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Société civile de construction vente

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La mise en place d’une SCCV est intéressante dès lors que l’objectif poursuivi par les associés est de construire ou acquérir des biens immobiliers à démolir ou à profondément rénover en vue de leur revente. Cette forme sociale bénéficie d’un régime fiscal de faveur.

 
Les sociétés civiles ayant pour objet la construction d’immeubles en vue de la vente sont caractérisées essentiellement par la spécificité de leur objet social. Elles sont dotées d’un statut particulier d’ordre public prévu par les articles L 211-1 à L 211-4 et R. 211-1 à R. 211-6 du Code de la construction et de l’habitation (CCH).
 
L’article L. 211-1 du CCH impose aux sociétés de construction-vente un objet spécifique : elles doivent avoir pour activité de « construire un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fractions », étant précisé que ces immeubles « ne peuvent être attribués, en tout ou partie, en jouissance ou en propriété, aux associés, en contrepartie de leurs apports, ceci à peine de nullité de l’attribution ».
 
Fiscalement, la SCCV bénéficie d’un régime de faveur visé à l’article 239 ter du CGI.
 
En application de l’article 206-2 du CGI, une société civile exerçant une activité commerciale relevant des BIC doit être assujettie de plein droit à l’IS. Ce principe connait une exception mentionnée à l’article 239 ter du CGI selon lequel les dispositions du 2 de l’article 206 ne sont pas applicables aux sociétés civiles qui ont pour objet la construction d’immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social.
 
Dit autrement, pour que les associés d’une SCCV soient imposés à l’IR dans la catégorie des BIC, il faut que deux conditions soient cumulativement remplies :
L’objet social de la société mentionne la construction-vente de biens immobiliers ;
La forme de la société correspond à une société au sein de laquelle la responsabilité des associés est indéfinie ; (ce qui est le cas d’une société civile).
 
Et lorsque ces deux conditions sont satisfaites, même sans option de la part des associés, le régime de l’article 239 ter du CGI s’applique de plein droit, sans possibilité d’être passible de l’IS (CE 4 mai 2016, n° 383135, JurisData n° 2016-008767). Si les associés veulent être passibles de l’IS, il faut qu’ils choisissent une autre forme sociale (SARL ou SAS).
 
Le contenu de l’objet social est essentiel pour déterminer si la SCCV peut bénéficier du régime de l’article 239 ter du CGI. Cela étant, la jurisprudence la plus récente est empreinte d’une certaine tolérance, ainsi que le souligne les solutions qui suivent.
 
Quid de l’exercice d’autres activités ? L’objet social n’a pas besoin d’être exclusif de tout autre.
 
L’objet social spécifique (construire pour vendre) peut être réalisé conjointement avec l’exercice d’une activité civile (location d’immeubles nus, par exemple) mais non avec celle d’une autre activité réputée commerciale. Ainsi, une SCCV qui donne à bail des appartements n’ayant pas trouvé acquéreur ne saurait avoir pour effet de l’exclure du dispositif dérogatoire prévu à l’article 239 ter du CGI si cette activité peut être qualifiée de nécessaire et accessoire. En revanche, le fait de participer aux profits d’une location meublée constitue l’exercice d’une activité commerciale de nature à faire perdre à une SCCV le bénéfice de l’article 239 ter du CGI. La circonstance que les meubles garnissant les locaux n’appartiendraient pas à la société est sans incidence sur cette qualification de l’activité exercée (BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-10 n° 20).
 
Quid de la transformation d’une SCI en SCCV ? L’objet social peut être modifié en cours de vie sociale.
 
Une SCI transformée en cours de vie sociale en SCCV par suite de la modification de son objet social peut bénéficier de l’article 239 ter du CGI si toutes les conditions sont satisfaites (CE 4 mai 2016, n° 383135, JurisData n° 2016-008767 ; CAA Versailles 10 mai 2022 n° 20VE01800, contra TA Dijon 17 août 1999 n° 98-5351). Une SCI qui a acheté un ensemble immobilier alors qu’elle avait exclusivement pour objet l’acquisition de biens immobiliers en vue de leur location puis l’a revendu après avoir modifié son objet social, exerce en réalité une activité commerciale en se fondant non sur l’objet social initial de la société ni sur les mentions portées dans l’acte d’acquisition mais sur les opérations effectivement réalisées par la société.
 
Quid de la rédaction de l’objet social ? Ce qui compte c’est la nature des opérations effectivement réalisées et non uniquement le libellé de son objet social.
 
Il n’existe pas d’exclusivité de l’objet social. Le bénéfice du régime dérogatoire ne peut donc pas être refusé à une société exerçant une activité de construction-vente au seul motif que son objet social n’était pas exclusivement limité à cette catégorie d’opérations mais mentionnait d’autres opérations de nature commerciale, sans examiner les opérations effectivement réalisées (CE 18 mars 2019 n° 411640). Une société civile qui a pour objet la construction-vente ne perd pas le bénéfice du régime de l’article 239 ter du CGI au seul motif que cet objet social serait plus large et ne serait pas consacré exclusivement à cette activité.
 
Une société civile ayant pour objet la construction d’immeubles en vue de la vente est exemptée d’impôt sur les sociétés sans qu’y fasse obstacle la circonstance que les opérations soient réalisées sur des terrains non visés dans ses statuts (CE 29 mai 2019 n° 412500). Pour que le régime dérogatoire s’applique, il suffit que les statuts fassent expressément référence à l’activité de construction-vente et que cette activité soit effectivement exercée.
 
Le Conseil d’État a même jugé que la suppression de la mention de l’activité de construction vente dans l’objet social d’une société ayant bénéficié du régime dérogatoire est sans incidence sur l’exonération d’IS en l’absence de modification réelle de l’activité (CE 13 octobre 2023, n° 446017). La solution rendue doit être limitée à la singularité de la situation. Cette solution ne remet pas en cause le principe selon lequel une société civile dont l’objet social ne comporte pas la construction d’immeubles en vue de la vente ne peut pas prétendre au bénéfice du régime de l’article 239 ter du CGI même si elle se livre exclusivement à de telles opérations.