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La technique du retrait partiel d’actif dans une société civile
Fréquemment, le notaire est confronté à la situation par laquelle un associé souhaite se retirer en tout ou partie d’une société, pour des motifs tels que la mésentente, le divorce ou tout simplement la volonté de récupérer un bien ou des liquidités. Il convient d’étudier les aspects juridiques et fiscaux de cette technique.
Alexandra ARNAUD-EMERY – Droit des affaires
Le retrait partiel d’actif est une opération aux termes de laquelle la société ou le groupement rachète les droits sociaux de l’associé qui souhaite se retirer, totalement ou partiellement, et qui reçoit en contrepartie des valeurs communes, espèces ou biens en nature correspondant à la valeur des titres rachetés.
L’acte à réaliser est une réduction de capital emportant annulation des titres sociaux du retrayant à due concurrence moyennant attribution de valeurs ou biens. Il s’analyse juridiquement comme un rachat de droits sociaux et non comme un partage partiel anticipé : il n’est donc pas soumis aux règles du partage successoral et notamment il n’est pas susceptible de rescision pour lésion de plus du quart (Cass. 3e civ. 15 janvier 1997 n° 64 : RJDA 6/97 n° 786). En principe, l’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux (C. civ. art. 1869, al. 2).
Si la réduction de capital s’opère par attribution aux associés de biens ou de droits immobiliers, l’acte est soumis à la formalité fusionnée au service de la publicité foncière du lieu de situation des biens concernés dans le mois de sa date (CGI, art. 647 et CGI, art. 657 et article 28, 1° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955).
L’opération implique que la valeur des droits sociaux annulés corresponde à la valeur des droits attribués. Si la valeur des droits attribués est supérieure à la valeur des droits sociaux, le retrayant est débiteur envers la société d’une soulte qui pourrait se compenser avec des sommes figurant sur des comptes courants d’associés créditeurs ouverts aux noms des retrayants. Dans le cas contraire, la société doit verser des liquidités supplémentaires au retrayant. Le retrait de l’associé peut aussi n’être que partiel c’est-à-dire porter sur l’annulation d’une fraction de ses parts sociales.
Cette opération impose donc de s’interroger sur la valeur des droits sociaux pour la comparer avec la valeur du bien (par exemple, de l’immeuble) attribué.
A cet égard, il convient de remarquer qu’il n’existe, pour le droit des sociétés, aucune technique impérative de valorisation des parts sociales. Tout au plus existe-t-il des techniques usuelles… la plus fréquemment rencontrée reposant sur la valorisation de la société par référence à l’actif net :
Valeur de la société = actif au jour de l’évaluation – passif (emprunt en cours et compte courant d’associé) hors capitaux propres (les capitaux propres comprenant le capital social, les réserves et le résultat non affecté).
Les parts sociales « reflètent » la valeur de l’actif net de la société.
En cas d’attribution d’un immeuble, la fiscalité suivante trouve application.
Concernant les droits d’enregistrements, en application de l’article 814 C du CGI, les opérations de réduction de capital contre annulation ou réduction du nominal ou du nombre de titres sont enregistrées gratis lorsqu’un seul acte est établi pour constater les deux opérations, sous réserve de l’application de la théorie de la mutation conditionnelle des apports. La contribution de sécurité immobilière sera due sur la valeur vénale du bien attribué au taux de 0,10 % (CGI, art. 881 K).
Concernant l’impôt de plus-value, en cas de réduction de capital, par voie de retrait d’actifs sociaux d’une société civile non soumis à l’impôt sur les sociétés, des plus-values peuvent être réalisées.
En effet, le transfert des biens immobiliers dans le patrimoine des associés est censé générer des plus-values immobilières déterminées de façon identique à celle dégagées lors d’une vente. La plus-value sera déterminée sur la base de la valeur réelle de l’immeuble au moment du retrait (prix de cession) et de la valeur d’apport à la société (prix d’acquisition). Si le retrayant reçoit en contrepartie de l’annulation de ses droits sociaux des liquidités, aucune plus-value ne sera à ce niveau taxable.
En revanche, l’opération sera susceptible de générer une seconde plus-value immobilière sur l’annulation des parts sociales des associés. En effet, le Conseil d’État a pris position pour l’apparition d’une plus-value sur les parts sociales annulées dans le cadre des dissolutions de sociétés à prépondérance immobilière (CE 30 décembre 2013, n° 356.551, RJF 4/14, n° 395). Cette solution est, a priori, applicable en cas de partage partiel de l’actif social, suite à des retraits d’associés ou à une réduction de capital avec annulation de parts sociales.
La plus-value immobilière réalisée sur des parts sociales sera égale à la valeur des parts au jour de leur annulation diminuée de leur valeur d’acquisition.
Cette valeur d’acquisition des parts sera éventuellement être corrigée selon les principes dégagés par la jurisprudence Baradé du Conseil d’État (CE, 9 mars 2005 n° 248 825, Baradé, RJF 6/05, n° 564) en vertu de laquelle, la valeur d’acquisition des parts sociales doit être :
– majorée, d’une part, de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l’associé, qui a été ajoutée aux revenus imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d’application de ce régime, et d’autre part, des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l’associé à un versement en vue de les combler,
– et minorée, d’une part, des déficits que l’associé a déduits pendant cette même période, à l’exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif et, d’autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l’associé.
Sur ce dernier point : nous vous renvoyons à nos deux fiches publiées sous les références : « Le théorème de Quemener et le notaire mathématicien : les principes » et « Le théorème de Quemener et le notaire mathématicien : l’exercice ».