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LA REVENDICATION DE LA QUALITE D’ASSOCIE
Par Alexandra Arnaud Emery, diplômée notaire et consultante/formatrice en droit des affaires.
Le régime matrimonial peut avoir une incidence lors de la constitution d’une société. En présence d’époux mariés sous le régime de la communauté, si le titre attribué en contrepartie de l’apport est personnel, la valeur de celui-ci est commune. La qualité d’associé est octroyée au seul apporteur mais peut être revendiqué par l’époux commun en biens.
Le caractère commun attaché aux droits sociaux explique que l’époux non associé puisse revendiquer la qualité d’associé. L’article 1832 du Code civil constitue une illustration de l’impact du régime matrimonial sur la qualité d’associé.
Lorsqu’un époux commun en biens réalise un apport en numéraire de fonds propres (C. civ. art. 1405), les parts sociales acquises en contrepartie ne sont propres qu’à la condition qu’il effectue une déclaration de remploi en bonne et due forme prévue à l’article 1434 du Code civil (Cass. 1e civ., 8 octobre 2014, n°13-24 546). Pareillement, les parts sociales obtenues par l’apport d’un bien propre sont propres par subrogation de plein droit, sans qu’une quelconque déclaration soit requise (Cass. 1re civ., 21 nov. 1978, n° 76-13.275).
En présence d’un apport de fonds communs, les parts sociales reçues en contrepartie tombent en communauté pour la finance, c’est-à-dire pour leur valeur patrimoniale. En revanche, le titre reste propre à l’époux apporteur (en dernier lieu : Cass. 1re civ., 28 mars 2018, n° 17-16.198).
L’article 1832-2 du Code civil dispose à cet égard « Un époux ne peut, sous la sanction prévue à l’article 1427 (nullité), employer des biens communs pour faire un apport à une société ou acquérir des parts sociales non négociables sans que son conjoint en ait été averti et sans qu’il en soit justifié dans l’acte.
La qualité d’associé est reconnue à celui des époux qui fait l’apport ou réalise l’acquisition.
La qualité d’associé est également reconnue, pour la moitié des parts souscrites ou acquises, au conjoint qui a notifié à la société son intention d’être personnellement associé. Lorsqu’il notifie son intention lors de l’apport ou de l’acquisition, l’acceptation ou l’agrément des associés vaut pour les deux époux. Si cette notification est postérieure à l’apport ou à l’acquisition, les clauses d’agrément prévues à cet effet par les statuts sont opposables au conjoint ; lors de la délibération sur l’agrément, l’époux associé ne participe pas au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Les dispositions du présent article ne sont applicables que dans les sociétés dont les parts ne sont pas négociables et seulement jusqu’à la dissolution de la communauté ».
Cet article apporte les enseignements suivants :
- Le conjoint non averti peut pendant 2 ans à partir du jour où il a eu connaissance de l’utilisation de fonds communs demander la nullité de la société.
- La qualité d’associé est reconnue à celui des époux qui fait l’apport ou réalise l’acquisition.
- Le conjoint sauf s’il renonce expressément à la qualité d’associé, peut toujours la revendiquer.
Il convient de s’interroger sur cette notion de revendication.
Quand cette revendication peut-elle être réalisée ?
Le conjoint commun en biens peut revendiquer cette qualité d’associé lors de la constitution ou en cours de vie sociale. Cette revendication peut même être réalisée « jusqu’à la dissolution de la communauté ». D’ailleurs, par un arrêt du 14 mai 2013, la Cour de cassation réaffirme la possibilité qu’a un époux en instance de divorce de notifier son intention d’être personnellement associé pour la moitié des parts sociales souscrites ou acquises par son conjoint et ce, jusqu’à la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, et non pas seulement jusqu’à celle de l’assignation (Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-18103).
Comment cette revendication peut-elle être réalisée ?
Le conjoint doit notifier à la société son intention d’être personnellement associé. Si cette notification est postérieure à l’apport ou à l’acquisition, les clauses d’agrément prévues à cet effet par les statuts sont opposables au conjoint. Il n’y a pas d’agrément opposable au conjoint revendiquant la qualité d’associé sans clause spécifique (CA Paris 18 février 2020, n° 17/0828, solution rendue en matière de SARL).
Lors de la délibération sur l’agrément, l’époux associé ne participe pas au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Quelles sont les conséquences attachées à cette revendication ?
Lorsque le conjoint revendiquant devient associé, c’est uniquement à compter de cette date qu’il devient titulaire de la moitié des parts sociales et par suite, bénéficiaire des prérogatives attachées à la qualité d’associé soit le droit de voter et le droit de percevoir les bénéfices. Le fait de revendiquer la qualité d’associé permet d’octroyer le titre au conjoint et donc de voter les décisions collectives dans le cadre de la société.
Quelles sont les formalités à accomplir ?
Il convient de procéder à une inscription modificative au greffe notamment par dépôt des statuts mis à jour.
Comment écarter la revendication par le conjoint ?
Les solutions sont statuaires.
Solution 1 : faire intervenir le conjoint et le faire renoncer à revendiquer la qualité d’associé dans les statuts dès la constitution. En cas de constitution de société comprenant deux époux communs en biens qui réalisent un apport de biens ou de deniers communs, et dans un souci de stabilité dans la répartition du capital social, il est recommandé de prévoir dans le corps même des statuts une renonciation par chacun des conjoints à revendiquer l’exercice des droits attachés aux parts sociales souscrites par l’autre, et en se fondant sur les dispositions de l’article 1832-2, alinéa 3, du Code civil. Cette clause de non revendication est en générale insérée dans le paragraphe « APPORT ».
Solution 2 : prévoir expressément un agrément en cas de revendication de la qualité d’associé en cours de vie sociale.
Alexandra Arnaud Emery DIPLÔMÉE NOTAIRE ET CONSULTANTE/FORMATRICE EN DROIT DES AFFAIRES